Pourquoi le non-labour?

Le non labour et la chimie des sols

Les éléments minéraux présents dans le sol jouent un rôle prédominant pour le développement des plantes productrices de matières organiques. C’est pourquoi il est important de prendre en compte la disponibilité de ces éléments dans le sol en fonction des techniques culturales utilisées.

Où se trouvent les éléments minéraux dans un sol?

Chaque minéral est différent, c’est-à-dire qu’ils ne se trouvent pas tous aux mêmes endroits et sous la même forme (soluble, insoluble, gazeux, attachés à la matière organique). Mais globalement on les retrouve tous dans le complexe argilo-humique et dans l’eau présente dans le sol.

Le complexe argilo-humique

Il est composé principalement d’argile et de matière organique, c’est la partie la plus importante du sol en terme de stockage de minéraux. Il est important de comprendre le fonctionnement de celui-ci car nous allons l’aborder tout au long de cette partie.

Dans cette partie du sol on retrouve les minéraux sous forme soluble, c’est-à-dire des cations : Ca2+, K+, Mg+,Na+,Cu2+... et des anions : PO42-, SO42-...

Pour rester dans le sol ces cations et anions ont besoin de se lier avec leurs charges (positives avec négatives) au complexe argilo-humique qui a des charges négatives. Les cations se lient donc facilement avec ce complexe via leurs charges opposées. Pour les anions c’est un peu plus compliqué car ils ne peuvent se fixer qu’à des charges positives, et sont donc contraint à se fixer aux cations ayant 2 charges positives (une liée avec le complexe argilo-humique et l’autre avec l’anion). Il y a également des oxydes de fer avec des charges positives pouvant lier les argiles et l’humus ensemble ainsi que les anions.

Schéma du complexe argilo-humique :

Il y a donc un échange constant entre les ions en solution dans l’eau du sol et le complexe argilo-humique. Le but est d'obtenir une concentration ionique égale entre la solution du sol et le complexe argilo-humique.
Le nombre de charges négatives pouvant accueillir des cations est mesurable, on l’appelle la CEC (Cation-exchange capacity). Elle est directement liée à la quantité de matière organique et aux argiles du sol.

Et l'azote?

L’azote est l’élément le plus important pour les plantes et il n’est même pas dans le complexe argilo-humique ?

L’azote a un mode de fonctionnement un peu particulier, il est présent dans le complexe argilo-humique sous forme NH4- (ammonium) mais il est très très proche de l’ammoniac NH3 et donc se volatilise facilement, ce qui peut provoquer une perte en azote importante, c’est pourquoi on le retrouve que faiblement dans le sol sous cette forme. L’azote est principalement sous forme organique (2/3), c’est-à-dire lié directement avec des atomes de carbone. C’est pourquoi un sol riche en humus a une plus grande capacité à contenir de l’azote.

Tout nous ramène donc plus ou moins directement à la quantité d’argile et de matière organique dans le sol.

L'argile :

Augmenter le taux d’argile dans un sol est difficilement réalisable, mise à part sur de petites surfaces avec des apports conséquents d’argiles. C’était une pratique réalisée autrefois au moyen-âge pour améliorer la qualité structurale d’un sol. Cette opération est appelée le marnage (nom de la roche qui forme l’argile en se dégradant). Cet apport avait la propriété d’être très calcaire, ce qui faisait remonter le pH et donc limiter les pertes d’argiles par lessivage en augmentent la cohésion entre les argiles et la matière organique.

Par contre, la perte d’argiles par lessivage est très fréquente. A long terme, il en résulte une perte significative du taux d’argiles dans le sol. Par conséquence il y a une perte de CEC. Voire partie structure du sol

La matière organique

Pour bien comprendre l'utilité de la matière organique il faut se référer au cycle du carbone :


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On voit bien sur ce schéma simplifié qu’il y a une interaction entre une multitude de facteurs. De manière générale, pour augmenter le taux d’humus dans le sol il faut que l’humification soit plus importante que la minéralisation secondaire. Ainsi, chaque année, il faut apporter de la matière organique riche en carbone.

La minéralisation secondaire est liée aux climats : exemple, climats tropicaux + fortes chaleurs + pluies = forte minéralisation. Et inversement.

Mais d’autres éléments peuvent modifier la minéralisation secondaire notamment la présence d'une grande quantité d’oxygène dans le sol et de conditions humides. C’est pour cette raison que le labour pourrait causer une forte augmentation de la minéralisation par aération du sol.


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Résultats sur la quantité d’élément minéraux


Potassium :
En générale on remarque qu’il y a plus de potassium en semi direct, notamment sur les couches superficielles du sol. Le surplus de minéralisation que provoque le labour entraine un excès de potassium soluble à un moment où la culture n’en avait pas besoin. Ce qui provoque une perte ionique par lixiviation. En semi-direct, la forte teneur en matière organique sur les couches superficielles du sol a permis de retenir un maximum d’ions grâce aux colloïdes.


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Phosphore :
Les résultats sont identiques que pour le potassium et semblent explicables pour les mêmes raisons.


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Le phosphore a une autre particularité : sa forme chimique dépend du pH du sol. Il arrive souvent que la plante ne puisse pas l’absorber pour cette raison.

Le pH du sol :

Le pH joue un rôle important dans la chimie du sol sur plusieurs plans : l’occupation de la CEC, la solubilisation des minéraux, la cohésion des éléments du sol.

A quoi correspond le pH ?

Le pH correspond à la concentration de protons (ion H+) dans une solution, plus le pH est faible, plus il y aura des ions H+ dans la solution et inversement. Le pH peut varier hypothétiquement de 0 à 14. Généralement, on trouve des sols à pH compris entre 3 et 10 dans des cas extrêmes. Nous allons répondre à cette intérogation.

Action sur le complexe argilo-humique : Comme nous l’avons vu sur le schéma les ions H+ se fixent au complexe argilo-humique. Or ce ne sont pas des ions divalents, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas se fixer à un anion. Comme ils n’ont pas de grandes utilités pour la plante, ils mobilisent la CEC à la place d’autres éléments qui pourraient être utiles à la plante.

Le pH influt beaucoup sur l’assimilation des minéraux par la plante. En effet, à trop fort ou à trop faible pH certain minéraux ne serons pas solubles (carences fausses). (schéma ci-dessous)

Un sol avec un pH trop acide contient des ions ayant une forme toxique pour la plante, comme les ions aluminiques qui sont présents vers pH 3-4. Ils peuvent empêcher une culture de germer (en fonction des variétés).


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La différence de pH entre un sol labouré et un semi direct est répartie sur la profondeur du sol, en effet le labour a pour action de mélanger les horizons ainsi que leurs pH. On retrouve un pH moyen entre les différents horizons travaillés. Inversement, les horizons supérieurs sont plus acides que les horizons inférieurs, en semi-direct. Pour optimiser la culture de plantes, il est nécessaire de remonter le pH via un chaulage.

La chimie du sol reste un élément complexe car il existe beaucoup d'interactions entre variables telles la biologie du sol, l’environnement, le climat... Des études réalisées sur le long terme permettent d’observer une différence chimique entre les sols labourés et non labourés. Globalement le non-labour permet une accumulation des matières organiques sur les couches superficielles du sol. Cela permet d’augmenter la capacité du sol à stocker des éléments minéraux utiles pour la plante. Le fait de ne pas mélanger le sol provoque une acidification en surface par les plantes, mais cet effet peut être contré par un redressement du pH.
Plus largement le non-labour pourrait aider à éviter la perte des nitrates par lixiviation, et donc être utile à la préservation de l’environnement.

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