Impacts du non labour sur la vie biologique du sol

Le sol est un écosystème vivant !

Le sol renferme plus de 90% des organismes vivants terrestres (C. Bourguignon, 2008). C'est un habitat très diversifié où vit une multitude d'organismes répertoriés en taxons dont on peut apprécier en grande partie l'abondance à travers la classification par taille et par catégorie ci-dessous (Decaëns, 2008, d'après Swift et al., 1979).


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Bien qu'encore très méconnu (biodiversité méconnue), on sait que l'ensemble de cette biodiversité du sol joue un rôle primordial dans la structuration et dans le cycle de la matière. Par son dynamisme, elle participe essentiellement à la formation du sol, et elle est la garante naturelle de la préservation de celui-ci contre les facteurs de dégradation (voire partie degradation des sols) qu'il peut subir.

Le non-labour, un atout pour développer et préserver le dynamisme biologique des sols cultivés ?

D'après diverses études et compte rendu d'essais, il apparaît que le passage au non-labour influence la répartition, l'abondance et la diversité des micro et macro faune du sol.

Impacts sur les micro-organismes

Un diagnostic des effets de différents modes de travail du sol sur les activités biologiques est difficile à évaluer. Des méthodes simples et pertinentes ont été développées pour ce genre d'étude. On sait mesurer la taille de la biomasse microbienne (populations microbiennes totales) et les activités globales de minéralisation du carbone et de l'azote.

L'INRA de Dijon a mené ces types de mesures dans deux dispositifs agronomiques de moyenne durée, correspondant à deux situations différentes d'un point de vue pédoclimatique.

Un premier essai mené par l'ACTA (C. Beaufreton) à Courseulles (Calvados) de 1996 à 2000, montre d'après des analyses biologiques que les micro-organismes sont répartis de manière plus homogène dans les parcelles labourées que dans celle travaillées superficiellement. De plus, on a une concentration dans les premiers horizons du sol (0-10 cm), de la quantité de microbes deux fois plus importante en travail superficiel par rapport au labour. En tenant compte des densités apparentes, cette étude montre aussi qu'il n'y a pas de différences significatives au niveau du stock total de micro-organismes entre le labour et le non labour.

Un deuxième essai mis en place à la même époque que l'essai précédent par la Chambre d'Agriculture de Côte d'Or (M. Grévillot), montre aussi que sur rotation de blé-orge-colza qu'il existe un gradient plus ou moins marqué lorsqu'il n'y a pas de labour (travail superficiel et semis direct), et une relative homogénéité dans les parcelles labourées. Mais, ici encore, lorsque l'on s'intéresse à l'ensemble de la couche 0-30 cm, les différences entre traitements ne sont pas significatives. Les différences de biomasse microbienne dues à l'hétérogénéité naturelle de la parcelle sont en effet plus grandes que les éventuels effets des traitements.

Impacts sur la Biomasse Lombricienne

On observe une très forte diminution de l'abondance et de la diversité des macro-invertébrés du sol, au fur et à mesure que les pratiques s'intensifient (Lavelle et al.).

Les hypothèses émises par cette étude pour expliquer la faible abondance de macro-invertébrés dans les parcelles labourées sont les suivantes :

  • la perturbation physique et l'abrasion du labour
  • la réduction voire l'élimination totale des résidus du précédent couvrant le sol

En somme, le labour en enfouissant les résidus de cultures, qui fournissent une multiplicité de micro-habitats et une nourriture variée pour la macro-faune, détériore également l'environnement de celle-ci.

Ainsi, la diversité des taxons présents en est aussi atteinte : dans l'étude de Lavalle et al., on a observé qu'en sol non labouré, les fourmis et les vers de terre sont nettement plus présents qu'en sol labouré où ils sont parfois totalement absents, comme c'est le cas pour les diplopodes décomposeurs.

Sur ce tableau diffusé par la chambre d'agriculture de Bretagne en 2008 (Station de Kerguéhenne), on peut constater à la fois l'impact des différents types de préparation du sol et le mode d'amendement sur la faune du sol.

On observe qu'en mode de préparation du sol superficiel et en semis direct avec un apport de fumier de volaille, la biomasse globale est multipliée par deux vis-à-vis d'une conduite labour. La biomasse anécique est proportionnellement égale entre le travail superficiel et le semis direct, mais a été multipliée par 2,6 par rapport au labour.

Impacts sur les coléoptères (carabes)(R. Wartelle, 2011) :

Dans la macrofaune, un autre taxon est intéressant à étudier car les individus qui le composent, peuvent jouer d'autres rôles bénéfiques ou contraignants pour la culture. Il s'agit des Coléoptères qui représentent à eux seul 48% de la composition taxonomique des organismes du sol (Decaëns et al., 2006).

En effet, les coléoptères sont de bon bio-indicateurs pour évaluer l'impact des pratiques culturales sur les organismes du sol de par le fait que leurs larves se développent dans le sol pendant une période de 2 à 3 ans. De plus, il est important de souligner les diverses autres rôles que peuvent avoir pour une culture ces insectes pour les cultures :

  • Auxiliaire Prédateurs de limaces et d'escargots
  • Ravageurs Importants 36% de déprédation aux cultures (ACTA, 2012)

D'après des essais menés dans trois régions (Picardie, Centre Ile-de-France, Rhône-Alpes) mené par la chambre d'agriculture de Picardie, il apparaît que le labour aurait tendance à favoriser une espèce de carabe Pterostichus melanarius représentant et donc à influencer la diversité des espèces présentes par rapport à une conduite de non labour (R. Wartelle, 2011).

Conclusion et perspectives

Il est relativement compliqué d'évaluer l'impact des techniques culturales sur la biodiversité du sol tant celle-ci est diverse, complexe et mal connue. Une des approches les plus concrètes s'apparentent à étudier l'abondance et la diversité macrofaune visible (lombrics et carabes principalement étudiés).

L'INRA de Dijon suite aux deux dispositifs qu'elle a mis en place, conclue que « l'abandon du labour au profit du travail superficiel ou du non-travail du sol ne semble pas augmenter les activités biologiques, mais modifie simplement leur distribution dans le profil. ».

D'autres scientifiques défendent malgré tout, l'intérêt de prendre en compte cette Biodiversité pour deux principales raisons. La première s'appuie sur le fait de la méconnaissance encore très importante des micro-organismes vivants dans le sol. La deuxième souligne les services écosystémiques rendus par ces derniers : recyclage de la matière organique, régulation de l'eau et de sa qualité, préservation contre la dégradation physique,... (J.L, Pujol). Ces fonctions du sol à faible intérêt agronomique, sont néanmoins utiles aux communautés humaines.

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